C'est l'histoire d'un weekend organisé à travers le terroir du nord de la France. C'est l'histoire d'une redécouverte du vélo après 32 ans sans avoir posé les fesses sur une selle. C'est l'histoire de nombreuses rencontres, de défis et de festivités. C'est mon histoire de la 1ère Mad Jacques à vélo.
Samedi 28 Septembre 2019
Voili voilou, dès potron-minet, je tente un itinéraire alternatif à bord de mon vaisseau d'appartement.
Mais rapidement, je dois me rendre à l'évidence, ça ne marche pas. Alors, même si ça reste une excellente entrée en matière pour aborder le cyclo-rallye de la Mad Jacques, je m'en remets vite au plan initial et je prends le train de banlieue de 5h38, puis le RER qui me mène à Pantin, au Jardin 21, lieu de départ de cette première édition d'une course qui n'en est pas une. Et c'est avec une grande fébrilité que je rejoins les autres participants de cette 1ère édition de la Mad Jacques à vélo, qui s'est déjà fait connaitre par sa fameuse course en stop.
Nous, les vélos de loc, faisons partie des premiers rendez-vous, qui s'échelonneront jusqu'à 9h je pense. Alors on récupère nos montures VTC, notre roadbook, une carte papier, un gilet de sécurité estampillé Mad Jacques, notre précieux dossard qui sert surtout de code pour valider les checkpoints/défis et on aide un peu à tout mettre en place.
Moi, j'ai de la chance, car une quinzaine de vélos de location ne disposent pas de sacoches. J'étais prévenu par mail, mes bagages seront prises en charge par le fourgon de l'orga. Exit mon sac de couchage, mon tapis de sol, ma tente et mes quelques vêtements de rechange, je peux partir léger. C'est déjà ça de gagné, parce que j'ai beau avoir de beaux mollets de coq, cela fait quand même 32 ans que je ne suis pas monté sur un vélo, à l'exception près d'un enterrement de vie de garçon où j'avais fait quelques tours de pédalier sur un vélo pour gamin de 8 ans...
7h45 J'arrive pile-poil sur la ligne de départ au moment où on donne le feu vert aux premiers prêts à partir. Laissez passer le 1er convoi ! Bon, en termes de convoi, on s'éparpille très vite, chacun roulant avec son ou ses partenaires. Beaucoup de duos et de petits groupes d'amis. J'apprendrai plus tard qu'une team de cinq personnes, de parfaits inconnus au départ, auront fait tout le parcours ensemble, jusqu'à la destination finale, qui, il y a moins de 24H, était encore tenue secrète. Moi, solo je suis, solo je reste. Ou plutôt non, je papillonne de groupe en groupe, profitant en général d'un checkpoint pour quitter un groupe et repartir sur plusieurs kilomètres avec de nouvelles rencontres.
C'est parti donc pour longer le Canal de l'Ourcq sur une vingtaine de kilomètres. Entre Pantin, Bobigny, Aulnay-sous-Bois et Villeparisis, rien de moins qu'une dizaine de checkpoints urbains potentiels pour se mettre en jambes et s'immerger complètement dans l'état d'esprit de la Mad Jacques. Allez zou, petite photo entre les yeux des Cyclopes, une autre sous les jupes de l'Impératrice, encore une pas bien loin de la cyclo-boxeuse Sarah Ourahmoune et une dernière devant la fresque de l'artiste trip-hop Tricky.
Celle-là, elle m'aura bien fait tourner en rond, les coordonnées indiquant le centre de Parc de la Bergère, j'en fait plus ou moins le tour avant de rejoindre bredouille les bords du canal. Là, j'aperçois deux jeunes coureurs en train de s'abreuver au robinet. Je leur demande s'ils connaissent, en leur montrant une photo de la fresque trouvée sur le net. Mais non... quand tout à coup, un des deux me dit : 'Mais c'est ça non ?', en montrant le mur à côté de nous. 3 mètres me séparaient du checkpoint ! Le temps de prendre la photo, un petit groupe arrive dans les entrefaites et on poursuit ensemble le trajet le long du canal de l'Ourcq, en admirant les diverses œuvres de street art qui le jalonnent.
Je renonce au défi 'tente le top 20 du kilomètre lancé', même si je m'amuse à faire une petite vidéo à fond la caisse sur la portion du canal concernée. Par contre, je valide aisément un autre défi vidéo, 'doubler un véhicule aquatique'. Il faut dire que la péniche en question était à l'arrêt. Plus tard, dans la journée, je me laisserai doubler par un tracteur et validerai ainsi un autre challenge.
Rapidement, nous traversons le Parc forestier de la Poudrerie. A sa sortie, je demande à mes compagnons du moment s'il n'y avait pas de checkpoint ici. 'Ah, si, mais nous, on ne les fait pas !' Mince ! Moi, j'ai bien l'intention de faire tous ceux présents sur la trace conseillée (il y a en effet beaucoup d'autres checkpoints et défis, un peu plus de 80, et beaucoup se trouvent hors de l'itinéraire suggéré, pour les plus motivés d'entre nous). Bref, qu'à cela ne tienne, je fais demi-tour, retraverse le parc et finis par trouver le Beffroi où il est question de faire résonner sonnette. Pas difficile à trouver en fait, car lorsque l'on est plus de 350 participants sur les chemins, il y en a forcément qui se rendent là où on veut aller.
Aux abords de Claye-Souilly, nous quittons les berges du canal pour emprunter de petites départementales et traverser des villages dont je ne soupçonnais même pas l'existence, alors que j'habite à une vingtaine de kilomètres de là. A Saint-Mesmes, je pars sur mon premier chemin non revêtu, un fameux 'gravel'. Pour ceux qui comme moi ne sont pas adepte de la petite reine, gravel signifie à la fois une pratique et un type de vélo adapté à celle-ci. Il s'agit d'effectuer des parcours tant sur route asphaltée que sur de petits chemins non revêtus, de terre, graviers ou pavés. Dans les faits, on parle surtout de gravel lorsqu'on quitte le bitume.
C'est le moment de pousser un peu sur les jambes et de tracer à travers les champs de betteraves blanches. C'est l'occasion aussi de valider un défi en vidéo, 'être bête à manger du foin'. Et quoi de mieux que de le faire parmi une concentration de 'bêtes raves' que l'on prendrait aisément pour des navets. Faut-il être vraiment bête !
Les chemins gravel se succèdent, mais ne se ressemblent pas. Me voilà maintenant sur une section pavée, bien que toujours à travers champs. Une espèce de trouée d'Arenberg champêtre...
12h30 A l'entrée de Monthyon, je retrouve un petit groupe qui s'est mis en mode pause. Quelques courageux dont je fais partie se dévouent pour aller acheter des baguettes au centre du village, en haut d'une côte non négligeable. Ces moments sont toujours propices à l'introspection. Moi, j'ai cette révélation fugace que je n'aimerais pas habiter ici en bas du village, et avoir à gravir cette montée tous les jours pour aller chercher mon pain quotidien...
Je reprends ensuite la route avec ce nouveau petit groupe et nous voilà bientôt trois, partis en éclaireurs, le long d'un tout petit chemin entre deux prairies. Mais très vite, on se retrouve face à une clôture type fil électrifié. Il faut bien se rendre à l'évidence, ce n'est pas par là. Demi-tour donc, en prévenant au passage les autres participants qui s'en étaient aveuglément remis à nos piètres qualités de pisteurs.
17 km plus loin et nous atteignons le village de Chèvrefeuille, où se trouve le point ravitaillement officiel, aux Vergers de Sennevières. Les Vergers, c'est tout à la fois une ferme, un gîte, et un magasin qui propose de nombreux produits du terroir. Le lieu se trouve très vite débordé par l'affluence massive et inattendue, et nous nous retrouvons nombreux à attendre de passer à la caisse. Mais c'est encore une nouvelle occasion de faire connaissance avec d'autres partenaires de WE. Echange de pratique (ou de non pratique me concernant) du vélo. Partage de l'itinéraire déjà effectué et de celui envisagé.
En ce qui me concerne, après avoir pique-niqué dans l'herbe, je décide de quitter l'itinéraire 'facile' pour rejoindre la Brasserie Ste Félicité, dans le village de Montagny-Ste-Félicité. Bon, c'est 25 km au lieu de 15, mais ça devrait le faire. Et effectivement, lorsque je dépasse Nanteuil-le-Haudouin, tout va très bien. C'est alors que je me retrouve sur la D922. 6,5 km en ligne droite. Question dénivelé, j'ai vérifié après coup, c'est au maximum 15m de différence. Cela aurait dû être facile. Oui, mais c'était sans compter sur le vent, de face évidemment. A mi-parcours, j'atteins mes limites, surtout celle de ma cuisse droite, qui se rappelle douloureusement à moi à chaque coup de pédalier. Ok, ne forçons pas et accordons-nous un peu de marche à pied. Quelques centaines de mètres plus loin, un autre participant solitaire me double doucement, en lâchant un 'purée, ce vent!' en me croisant. Le voir passer me donne l'énergie qui me manquait pour remonter en selle, et nous arrivons à quelques minutes d'intervalle à la micro-brasserie tant espérée. Mais avant, une petite photo de l'église de Montagny. Des vues comme celle-ci valent bien les efforts effectués !
Après une longue pause dans l'herbe à siroter ma petite bière ambrée (médaille d'Argent Paris 2019), tandis que d'autres se lancent dans une longue partie de belotte, je prends tranquillement le chemin pour la dernière étape, celle du bivouac d'Auger-Saint-Vincent. Au passage, je validerai un petit checkpoint qui traine sur l'itinéraire, en passant devant le château de Versigny.
18h30 Je débarque à Auger-Saint-Vincent sous les encouragements des villageois, depuis leurs balcons. Après avoir pointé au check-in d'arrivée de la première journée, je file au stade de foot y planter ma tente. J'hésite ensuite entre une douche sommaire dans les sanitaires du stade ou, à nouveau, une bonne bière, sur la place du village. J'opte pour la seconde option et déguste tranquillement la pression de la micro-brasserie Saint-Rieul, qui s'est déplacée de Trumilly, le village d'à côté, pour couvrir l'évènement. Puis je me laisse rapidement tenter par un burger d'un des trois Foodtrucks qui assurent le ravitaillement. Et déjà c'est l'heure du petit discours des officiels, le maire arrivant en tandem accompagné d'une star du cyclisme, Eddy Seigneur, qui habite pas très loin.
Et la soirée se poursuit doucement avec des discussions au coin d'un braséro, autour de petits jeux picards, devant une projection cyclo-ciné dans l'église...
20h20 Je crois que j'assiste à la dernière arrivée, celle d'un tandem.
Juste à temps pour les filles pour enchainer sur le concert de rock-cajun du groupe du maire du village du Plessis-Belleville, la Smaguine Family. Puis j'assiste au début de la 2ème partie de soirée, avec le DJ du Camion Scratch qui nous offre quelques titres de B52, Madness ou des Clashs, avant d'opter pour rejoindre mon sac de couchage lorsque l'ambiance glisse doucement vers des morceaux plus discos.
Dimanche 29 Septembre
Levé aux aurores, je tourne un peu en rond dans ma petite tente, puis zone aux abords du village, ce qui me permet d'assister à un joli lever de soleil. Et puis vient l'heure du (copieux) petit déj', dans une salle municipale, et par là même une n-ième occasion de faire de nouvelles rencontres.
8h50 Enfin, le premier départ de la journée est donné. Sous la pluie, mais en musique, puisque l'on suit le camion Scratch jusqu'à la sortie du village.
De là, direction Trumilly, où je m'accorde un petit détour jusqu'à la brasserie qui nous a abreuvé la veille. Evidemment, elle est fermée le dimanche, mais elle faisait aussi partie des checkpoints de la liste et surtout de mon défi personnel dans la catégorie 'Bières du terroir' !
Direction la Forêt de Compiègne maintenant, sans détour en ce qui me concerne. La douleur à une cuisse ressentie la veille ne tarde pas à se réveiller, pourvu qu'il n'y ait pas trop de montées, et beaucoup de descentes ! Je passe rapidement Glaignes, en profitant d'un raccourci à travers un petit bois, me laissant embarquer sans regret par des participants plus aventureux que la moyenne.
A Orouy, je laisse la trace conseillée et sa montée qui me fait frémir, et suis la D116 sur quelques kilomètres. Tant pis pour le 'mini trésor gallo-romain' auquel je renonce avec ce changement d'itinéraire. A un autre moment, je laisse encore un autre chemin 'gravel' qui s'annonçait un peu trop pentu et boueux, pour suivre cette fois un groupe plus sage, en vélo de route et me voilà déjà à l'entrée de la Forêt de Compiègne.
Agréables moments, seul, à traverser de larges allées. La pluie a cessé depuis un moment déjà et il fait presque beau. A Saint-Jean-aux-bois, qui porte bien son nom car vraiment situé au centre de la forêt, je retrouve de nombreux compagnons, à la porte fortifiée de l'Abbaye. Puis on repart, encore une fois, jusqu'à rejoindre Pierrefonds, où se trouve le point ravitaillement du midi. Comme beaucoup, je n'irai pas au point ravito. Le centre de Pierrefonds est vraiment agréable, on peut y admirer, depuis la petite place, les remparts du château construit par le Duc d'Orléans et restauré par la suite à la demande de Napoléon III. Un 'vrai' château du moyen-âge. Tel qu'on se les imagine en tout cas.
Les restaurants autour de la place sont très tentants aussi, de même que la charcuterie d'un maitre artisan plusieurs fois primé et qui fait, parait-il, le meilleur boudin de France. Mais il me reste un demi-camembert acheté la veille, alors je me contente de ces restes et d'une demi-baguette, tout en me promettant de revenir ici en famille une autre fois.
Reposé, je me crois prêt à reprendre la route. Il reste une bonne dizaine de kilomètres avant l'arrivée. Je serais même en avance sur l'horaire suggéré... sauf que ça commence très mal : pour quitter Pierrefonds, il faut longer le château, et se taper une côte de quelques centaines de mètres particulièrement redoutable. Rien à faire, ma jambe ne suit pas, je dois y aller à pied. Ensuite, c'est tout plat, à travers champs. Ouf, ça devrait aller... Sauf que cette fois, c'est le vent qui s'acharne contre moi. Un vent terrible, et bien évidemment, de face. Une fois encore, je dois poser pied à terre, et poursuivre à pied, en trainant mon vélo. Dans mon infortune, à un moment sur les quasi 9 kilomètres qui suivent et que je ferai à pied, je croise une acolyte dont j'ai oublié le nom qui peine presque autant que moi. On poursuit donc ensemble jusqu'à l'arrivée, tantôt à pied, tantôt à vélo, pédalant furieusement dans les descentes pour nous venger de ce maudit vent. Sous le regard dubitatif d'un sanglier,
on s'offre même le luxe de faire un dernier détour et une dernière montée mémorable, le GPS ayant été réglé par erreur sur la ville de Bonneuil-en-Valois, plutôt que sur le lieu-dit 'Le Lieu Restauré', rattaché à cette commune.
15h30 Et c'est l'arrivée. Il est tôt, mais la fatigue est bien présente. D'autres continuent de crapahuter dans la région, qui après un lieu sympa à découvrir, qui d'autre juste pour accomplir un challenge lointain. Mais pour moi, c'est bien l'heure de se poser, accompagné une fois de plus d'une petite bière, celle offerte aux 'finishers'. Je me pose dans un coin paisible de cette abbaye pour moitié en ruines et moitié restaurée, et je laisse un mélange de sentiments m'envahir. Se conjugue le bonheur de retrouver tout le monde, la magie du lieu, le chemin parcouru et tous les petits coins sympas que j'ai croisé et la satisfaction d'être allé au bout - car 130 km de vélo, c'est certainement peu pour les sportifs du dimanche, mais ce n’est pas rien quand on n'est pas monté sur un vélo depuis plus de trente ans. Vous n'avez qu'à demander à mon dos, mes fesses, mes cuisses (surtout la droite) ou mes mollets... -.
Le WE n'est pas fini, mais pour moi, il s'arrête presque là. C'est un peu en mode zombie que j'assisterai à la représentation de la fanfare 'Aux Cuivres Citoyens', à la parade des costumes, remise des récompenses, au retour de la musique du camion scratch puis au retour nocturne en bus jusqu'à Bercy. Même le film de Solidream projeté dans l'abbaye, bien que sublime et émouvant, aura du mal à capter longtemps mon attention.
Par contre, ce fut un plaisir de pouvoir échanger ensuite quelques mots avec Brian Mathé, un de ces aventuriers complètement dingues de Solidream. Et de voir notamment que, quel que soit le véhicule - moi c'était en famille en camping-car il y a 3 ans - les longs voyages - nous c'était 13 mois en Amérique Latine - te change un homme. Exit la société de consommation, les nombreuses fringues inutiles et autres gadgets que l’on n’utilise jamais, pour ne citer que ça... Bien d'accord tous les deux pour dire que rapidement, la technologie et le mode de vie à l'occidentale nous rattrape en partie au retour, mais il reste toujours un changement profond, dans l'âme, forgé par la route et les kilomètres parcourus.
Ce weekend du cyclo-rallye de la Mad Jacques, toutes proportions gardées, c'était aussi un peu de ça : des rencontres, des partages, des paysages et un peu d'effort pour mieux apprécier le tout. Et la confirmation d'un point que j'avais jusqu'ici du mal à croire : l'aventure, elle se trouve aussi en bas de chez nous.
Vivement le prochain event ! (WE du 1er mai 2020, inscriptions ici :-) )