Quel que soit le chemin que vous prendrez pour atteindre Colonia Carlos Pellegrini il vous faudra parcourir plus de 100 km de piste pour atteindre la 2ème plus grande zone marécageuse au monde, après le Pantanal. Mais quel bonheur de rencontrer en route des serpents, une multitude d'oiseaux divers et variés, de vrais gauchos mener leur troupeau à travers les marécages, un raton-laveur (ouais, mort, c'est plutôt bof en fait...) et, peut-être même, si vous avez autant de chance que nous, un loup à crinière.
[Infos pour les voyageurs à pieds : depuis San Ignacio (où se trouve une très jolie Mission jésuite), vous pouvez contacter Maicol, de l'agence Tierra Colorada Turismo, qui pourra soit vous organiser un tour en 4x4, soit vous trouver un 4x4 qui se rend à Colonia à vide et pourra vous y déposer. Selon les dires d'une voyageuse, il est très cool et n'hésite pas à dépanner sans rien attendre en retour]
Nous, on arrivait du nord, de Encarnation, Paraguay. On a donc suivi la route principale, la 14, jusqu'à l'embranchement avec la RP 40, la piste. A l'embranchement, tout est prévu, il y a une station essence. Bonne idée car vous n'en trouverez plus ensuite, pas plus qu'à Carlos Pellegrini... Le hic, c'est que lorsqu'on y arrive, ils n'ont plus ni diesel ni super. Obligé de faire 24km de plus jusqu'à Santo Tome pour faire le plein et de revenir ensuite à l'embranchement. L'autre option aurait été de le faire 40 km plus tôt à Gobernator Virasoro...
Ensuite, c'est parti pour 120km de piste. Des deux côtés, ceux sont des marécages, sans aucun décrochement ni d'un côté ni de l'autre pour se garer, hormis les entrées des estancias. Sous nos roues, de la terre rouge, qui a certainement été amenée des régions avoisinantes. On comprend pourquoi la route n'est pas praticable en temps de pluie. En chemin, on découvre de nombreuses espèces d'oiseaux, en particulier des échassiers, mais pas que, comme en témoigne cette photo de Caracara huppé.
On croise aussi un animal qu'on prend d'abord pour un renard très bizarre : on apprendra par la suite auprès d'un garde qu'il s'agissait d'un loup à crinière. Très très rare !
Après 60km en 1h30, la nuit qui tombe et beaucoup de poussière avalée, on bivouaque devant le portail d'une hacienda, d'où on sera gentiment délogé au petit matin par trois gauchos à béret qui aimeraient bien faire sortir leurs bovins !
Une fois arrivé à destination dans ce petit village aux rues de terre qui forment un quadrillage parfait, vous n'êtes pas au bout de vos surprises. On y croise peut-être plus de chiens, de vaches et de chevaux qui déambulent en liberté que d'habitants (ils sont un petit millier).
Le camping 'Ibéra', légèrement excentré, est ce qu'on a vu de mieux en Argentine et probablement d'ailleurs dans toute l'Amérique du Sud. C'est dingue de retrouver tant de confort dans un lieu si isolé. Déjà, rien que des toilettes et des douches propres avec eau chaude, c'est le pied... Mais en prime, on a aussi électricité, eau potable, table, bancs et barbecue à chaque emplacement ! Et il donne directement sur la lagune et cerise sur le gâteau, même à la nuit tombée, on n'est pas envahi par les moustiques.
C'est l'occasion de côtoyer les nombreux capybaras - ou carpincho ou cabiaïs - et caïmans (yacaré overo et même yacaré negro) qui vivent sur les embalsados, les îles végétales flottantes.
Mais les Esteros, c'est aussi des martins-pêcheurs - petits, moyens et grands -, des anhingas, des hérons tigrés, de grandes aigrettes, des cigognes maguari, des chajas.. voire même un 'ciervo de los pantanos' ou un anaconda jaune (enfin, pour ce dernier, on a été particulièrement veinards, le guide n'en avait pas vu depuis plus de deux mois).
Au camping, les oiseaux sont partout. Aux Esteros, on en compte 350 espèces, soit plus de la moitié des espèces présentes en Argentine.
Sur place, nous avons aussi fait une promenade à cheval, en partie dans les marécages, avec un ancien mariscador, Bruno, qui fut aussi un des premier guide de la région.
Depuis la maison des gardes de la réserve, il y a trois petits chemins pédestres dont un qui permet d'observer des singes hurleurs. Pour les deux autres : capybaras, caïmans et petit cerf (corzuela parda).
A la demande, on peut visionner un documentaire en français de 40 min, sur la vie des mariscadores et des gauchos de la région. C'est comme ça que je découvre entre autres que les gauchos qu'on avait croisé pieds nus sur leurs chevaux n'étaient pas des excentriques : c'est juste qu'ils ont tellement souvent de l'eau jusqu'aux cuisses que c'est plus pratique ! Dans le film, on a assisté ainsi à un transport de 150 vaches, avec la traversée de marais et de deux passages nécessitant l'usage de barques, et les gauchos qui nagent avec leurs chevaux ! Dingue !
Après 4 jours dans la région, on reprend la route qui nous mène à Mercedes, dont 80 km de piste. Et la nature trouve encore le moyen de nous faire un cadeau, qui passe à toute vitesse devant nos yeux. Dans ces cas-là, moi je crie toujours 'un renard'. Mais non. Ce n'est pas un loup non plus. Un peu bêtement, dans le feu de l'action, je tente 'une loutre', mais le jour où les loutres auront des grandes pattes comme ça... Ce qui m'avait fait penser à la loutre, c'est le fait que le pelage était court et semblait lisse. En fait, en procédant logiquement, vu la queue, on en déduit qu'il ne peut s'agir que d'un félin. On regarde dans notre guide de la faune locale. Pas de taches, donc pas un ocelot, ni un chat de Geoffroy. A moins que cela ne soit un jeune, mais non, c'était plutôt grand. Pas assez pour être un puma ou un jaguar tout de même. Il nous reste quoi ? Un jaguarundi. Bin ouais, ça ressemble foutrement à un jaguarundi.
Voilà, c'est ça les Esteros del Ibera. Comme c'est écrit dans le Lonely : 'les marécages de Esteros del Ibera,] ... [sont l’un des meilleurs endroits du continent pour observer les animaux,] ... [l’endroit est comparable au Pantanal brésilien, en plus intéressant'.
Et pour en profiter pleinement, je ne saurai trop recommander l'achat au village du guide 'Ibera, vida y color' qui nous a permis d'identifier tous ces animaux.