Nous voilà donc partis. On dépasse Denizli, grosse ville de plus d'un million d'habitants, on fait encore une vingtaine de km, sur une double voie qui grimpe sec et là, c'est le drame... Plus de puissance, Karine a juste le temps de se jeter sur la bande d'arrêt d'urgence avant qu'on atteigne la vitesse de 0 km / h. Appel de notre assurance, la GMF et mise en correspondance avec leur antenne locale, l'assurance Retas (et là c'est cool, parce que le gars nous servira aussi de traducteur, et que très rapidement, il nous propose d'utiliser WhatsApp, par écrit et audio. Avec la GMF, en quelques minutes, j'ai dépensé une vingtaine d'euros de mon forfait français, alors que là, avec WhatsApp et ma sim turc, ça ne coute rien). 1h30 plus tard, le cc est remorqué jusqu'à un garage Fiat en périphérie de Denizli et le taxi nous dépose 2 km plus loin, dans un hôtel d'affaire. On pensait au départ dormir dans le cc, mais le garage est gardé et ne nous est pas autorisé pour la nuit.
8h30. Ouverture du garage et attente. Ici, le temps s'égrène au fil des tasses de thé.
A 12h, je retourne retrouver les autres à l'hôtel. Check out effectué, ils attendent dans les canapés de l'accueil, en mode sdf, et avec une clim quasi inexistante.
A 14h je retourne au garage. C'est la pause thé. Ensuite j'enchaîne tout à la fois :
- les appels de l'assureur en France qui veut des infos, une décision de ma part ou me répète juste ce que l'antenne locale ou le garage m'a dit
- les appels de Retas, bien utiles pour clarifier les échanges avec les mécanos
- les 'discussions' avec les mécanos avec Google trad qui fait des merveilles. Je déconne, le français - turc et le turc - français n'est pas encore au point. Exemple, à la question du tarif horaire main d'œuvre, leur réponse donne ça : 'Les itinéraires seront de sorte que les déterminations sont faites'. Ok, j'ai compris, pas de tarif horaire, mais un forfait selon le type de réparations, mais faut s'accrocher !
Bilan en fin d'aprèm, ceux sont les injecteurs qu'il faut changer... 1500€, mais surtout, ça nous rappelle de très mauvais souvenirs. Ces injecteurs, ils ont 4 ans et viennent des USA. Ils nous les avaient changés pour 2500$, après une perte de puissance aussi, mais pas totale, et 50 km après avoir quitté le garage, on avait à nouveau le problème, qui n'avait été résolu qu'au Mexique, où ils avaient shunté les capteurs pour la sonde de température. Bref, pas très envie d'attendre 4 jours pour les pièces, y laisser un bras, surtout si c'est pour rien. Au final, une autre solution se profile : les démonter, les nettoyer et changer éventuellement les petites pièces défectueuses. 500€ et fini demain, ça semble plutôt pas mal. En espérant que ça tienne ensuite...
17h30 : confirmation de la décision à l'assureur et à son antenne locale et retour à l'hôtel, où finalement on reprend une nuit.
En soirée, vu que je laisse ma sim française active pour le moment, j'ai encore 2 ou 3 appels d'inconnus. Evidemment, je décroche, ne sachant pas si c'est l'assureur ou pas (mais non, après je réalise qu'ils utilisent toujours le même numéro) et donc j'ai droit à 'bonjour, vous êtes propriétaire de votre maison' ou 'avez-vous pensé à changer de forfait de téléphone'. Putain, arrêtez de venir me faire chier en Turquie, l'appel reçu, c'est 0,75€ la minute !
Les enfants attaquent le film Harry Potter 4 sur l'ordi (ils avaient vu le 3 il y a un an pendant notre séjour en Albanie !) et dodo. Avec quand même la boule au ventre en ce qui me concerne : est-ce que les réparations de demain seront efficaces ?
On passe la matinée ensemble à l'hôtel, à jouer à Quirkle. Et je repars au garage dans l'aprèm, tandis que les autres négocient le squat du resto de l'hôtel, où la clim est efficace. Moi j'ai celle de la salle d'attente du garage où je prends mes quartiers. Quitte à m'installer, je récupère aussi leur wifi.
18h : All is good, on repart !
19h45 : On est à 40 km de Mügla. On a ménagé la monture, et elle s'est bien comportée dans cette route de montagne. Le coin est très joli. C'est un parc national, mais je n'ai pas noté le nom. Çà et là, des gars ont leur tuyau d'eau pour laver les voitures. Typique de la traversée de la cordillère en Colombie, ça rappelle des souvenirs. Je viens aussi de voir un camion remorqué sur le dos d'un autre camion. Notre propre remorquage pourra aussi être rangé dans les souvenirs, mais là, c'est encore trop tôt. J'ai du mal à me remettre dans le voyage, alors que finalement, on n'a été stoppé que 2 jours.
Nous passons une nuit tranquille près d'une station-essence et d'un resto où nous mangeons. A la base, la serveuse, nous proposait (oralement) divers plats de viandes. A 40 TL l'assiette... bon, finalement, elle a compris qu'on n'était pas les mêmes touristes qui sortent du bus pour déjeuner et repartir dans leur tour. On s'est rabattu sur les gözlemes à 10 TL et c'était très bien ! Puis c'est la plus jeune fille de la maison qui nous a servi, toute heureuse de pouvoir s'exprimer en anglais.
La souris turque est passée sous l'oreiller de Kyra pour la seconde fois. Kyra a pris un forfait dents spécial routarde. Sa précédente vague de perte de dents, c'était il y a 3-4 ans durant le tour des Amériques. Elle a eu des $ canadiens, des US $, des pesos du Mexique. A un point qu'on se demandait où elle allait chercher toutes ces dents. Bin voilà qu'elle recommence...
Tout le monde est réveillé de bonne heure, et vu qu’on n’a plus rien dans les placards ni dans le frigo, le déjeuner est vite réglé. On reprend la route pour 150 km. En avant la musique. Je n'en ai pas encore parlé mais la bande son a peu évolué depuis l'année dernière. On a juste ajouté Adèle et Imagine Dragon à Aldebert, Kid United, Stromae, Monmix, Renan Luce, Frero Delavega, Louanne, Zaz... Exit mon Raphael et mon Higelin. Avant-hier, à l'hôtel, sur TV5Monde (je découvre une super chaine), on a vu un sketch d'une comique belge, sur le thème de la musique en voiture. Avec le petit qui veut qu'on lui mette son 'you-you' (c'est dans un titre de Louanne, 'ohoh ohoh ohoh', dans 'Avenir', d'après Kyra), le plus grand qui écoute Black M et qui 'devient Black M' etc... Bref, le bordel dans le véhicule. Chez nous, c'est chacun son tour, sauf que moi, je n’ai pas le droit à mon tour. Soit disant que ce que j'aime passe mal à l'autoradio. Je ne vois pas en quoi The Clash, Madness, les Pogues, Pixies, Noir Dés' ou encore les Doors passeraient moins bien mais bon. Je n’aurais même pas été contre du Dire Straits, Simpleminds, Pink Floyd, Satriani ou même Prince. Mais ça passe mal aussi, parait-il. Aaah, là c'est 'Sur ma route'. Ok, celle-là, on la kiffe tous !
Nous voilà bientôt à Dalyan, sur la côte. Sur le bord de la route, des cactus. Ça faisait un bail qu'on n'en avait pas vus. Après voir fait les courses dans la ville, dans un supermarché uniquement fréquenté par des touristes anglophones, nous nous rendons à la plage d'Iztuzu. C'est une plage dont l'accès est interdit au public de 20h à 8h, car classée zone de préservation des tortues marines. Le lieu est très connu, car c'est une américaine (aujourd'hui âgée de 95 ans) qui s'était battue dans les années 80-90 pour empêcher la construction d'immeubles et d'hôtels. De sa campagne internationale et de son succès, est née une association gouvernementale encadrée par des chercheurs de l'Université Pamukkale, qui continue de préserver le site. La cahute de 'Captain June', comme on l'appelle, est toujours là, devenu un petit magasin de souvenirs a priori tenu par la famille.
Nous commençons donc par aller voir le refuge / hôpital des tortues. Quelques explications sur quelques panneaux, quelques dioramas, sur comment reconnaître les espèces etc... mais surtout, une dizaine de bassins, avec dans chacun une tortue blessée, ou, pour l'un d'entre eux, des bébés nés il y a moins de 48h et qui n'avaient pas pu aller à la plage seuls. Quand nous arrivons, il y en a deux, mais avant de partir, une bénévole obtient l'accord du véto pour en remettre d'autres. Elle va les chercher dans une pièce à part et les dépose une à une dans le bassin, avec un gant, en s'assurant qu'elles ne coulent pas, trouvent le réflexe de nager et remontent donc à la surface. Il y en a une qui rate le test. Retour à l'infirmerie. Les autres tortues, adultes, sont là depuis plusieurs mois, qui suite à une amputation, qui pour des blessures d'hélice de moteur à la carapace... Je suis étonné d'en voir une là depuis neuf mois (le max), pour une infection aux yeux. Un bénévole m'explique qu'elle est en fait guérie depuis un moment, mais qu'ils attendent la bonne saison pour la relâcher, avec les accords scientifiques et gouvernementaux qui leur permettront de la pucer et de la suivre via satellites. Sur place, il y a aussi des bassins d'acclimatation, plus profond, où ils s'assurent que les tortues sont à nouveau capables de chasser des proies vivantes (crabes, petits poissons). On apprend aussi que sur leur littoral, il y a en ce moment plus de 500 nids, avec plusieurs éclosions par nuit. Mais seuls les professionnels peuvent y assister. Rien à voir avec le 'refuge' de la Ventanilla, au Mexique, où ils organisaient des sorties de nuit en quad, à fond la caisse et pleins phares, pour soi-disant voir les nids, et où les lâchés de tortues sont fait par dizaines par les touristes, sans gants... Ici, sur la plage, sa partie accessible aux baigneurs est organisée de manière à ce que tourisme et préservation animale cohabitent. Une bande de 15m de large, le long du rivage permet d'y poser ses serviettes, puis un espace aussi large est réservé aux tortues avant de laisser à nouveau la place aux vacanciers, avec un large espace pour les transats. Dans cette zone pour tortues, qu'on ne peut que traverser, se trouvent quelques nids, sur lesquels sont disposés une espèce de petit cône en fer, pour permettre de les repérer. Bien sûr, plus loin, il y a aussi des kilomètres de plage uniquement accessibles aux tortues. Un très chouette lieu, un refuge sérieux et intéressant et une bonne baignade. On n'y verra donc pas d'éclosion, mais cela semble mieux comme ça.
20h et quelques coups de sifflet plus tard, nous voilà hors de la zone protégée, sur un lieu de bivouac qu'on avait repéré en venant. Amusant, pas très loin, mais où nous n'irons pas car possiblement difficile d'accès avec un cc traction, un spot où une autre famille que je suis sur internet est passée il y a deux mois (coucou les 'Macax'!). Ça, c'est pour les petits clins d'oeil rendus possibles par iOverlander. D'ailleurs, on tombe aussi souvent sur les bivouacs de Tony LEE. Impossible de me rappeler si on le croisait déjà virtuellement en Albanie l'année dernière ou si ce n'était pas il y a 3 ans en AmLat !
Fil rouge de la vie en camping-car, le frigo est dans le rouge... Mais cette fois, c'est uniquement parce les bouteilles de gaz sont vides. Aïe, je vais en prendre pour mon matricule. C'est une de mes tâches et, persuadé qu'on était large avec la seconde bouteille, je ne m'étais pas inquiété quand la première s'est avérée vide au bout de 5 jours de route. Va falloir trouver fissa où la re-remplir !
... Mission gaz accomplie, à Dalyan, soit à 10 km de notre bivouac, en moins d'une heure. En fait, quand on cherche, on s'aperçoit qu'il y a plein de magasins de gaz partout. Ils ne remplissent pas, mais vu qu'une bouteille neuve ne coute que 6€ (hors prix du gaz) et que l'embout est compatible, on va pas s'embêter... Enfin si, on va un peu s'embêter à se trimballer une bouteille française vide dans la soute jusqu'au retour, pour la consigne, mais ce n'est pas la mort non plus.
Tandis que le paysage défile, je checkais la liste des spécialités culinaires que j'avais faite, et je m'aperçois qu'on en a déjà goutées pas mal : le sandwich au poisson d'Istanbul (le Balik Ekmet), et les pizzas en forme de canoë (pide), et surtout au resto du camping de Pamukkale : le riz pilav, le kuru fasulye (plat de haricots blancs), le menemen (omelette à la sauce tomate). Mais aussi les 'crêpes' ou 'pan cake' qu'on préfère continuer d'appeler gözleme, vu que ça n'a pas grand-chose à voir ni avec l'un ni avec l'autre, les kebap, les börek, les kofte... Et aussi, à toutes heures, les maïs bouillis ou grillés et surtout le ayran, dont les filles sont devenues de grandes adeptes (les bouteilles bleues. Les vertes ou oranges sont moins bonnes) et plus récemment au petit déj', la crème de noisettes, la fiskobirlik. Trop bonne.
A part ça, journée pas terrible aujourd'hui. Nous avons juste croisé des Oto Lastik sur la route. Il s'agit de vendeurs de pneus. Les mêmes qu'en AmLat et en Albanie, il n'y a que le nom qui change. Nous sommes passés par Fethiye et Olüdeniz, soit une ville et un village balnéaires pour touristes anglais. Déjà à Dalyan, c'était très prononcé, mais là, ils sont plus nombreux que les locaux. Ceci dit, ce n’est pas l'horreur non plus, en termes de tourisme, c'est plus dense mais pas blindé. On avait poursuivi jusqu'à Kayaköy, le soi-disant village fantôme. 145 habitants, indique le panneau à l'entrée... mais au moins autant de proprios de resto et de magasins de souvenirs. On n'ira pas visiter la partie abandonnée du village. Trop de dolmus et de taxi qui y déversent leurs touristes anglais. Trop de tout sur place. On mange dans un petit coin à un km du village et les enfants regardent un petit bout de Harry Potter pendant qu'on se boit une plus que petite tasse de café. Car cette fois, j'ai décidé de rentabiliser notre petite cafetière italienne, qu'on se traîne depuis des années. Mais bon, à trois dessus, c'est un peu short. Et on repart.
On décide de zapper les ruines de Pinara et d'aller à celle de Patara, où se trouve aussi une très belle plage.
Difficile de trouver une bonne place pour le bivouac. Après avoir tourné une heure et demi dans le coin, on est finalement revenus sur nos pas, dans un super coin mais qui était occupé par des vieux venus tiser leur vin rouge. Là, ils sont partis. Ne reste que la chaleur et les moustiques. Il y a beaucoup de chauve-souris, mais encore plus de moustiques. Soit elles font des indigestions toutes les nuits, soit elles sont frugivores ? Sinon, c'est très beau, avec une partie des ruines de Xanthos juste à côté. Mais la chaleur, c'est vraiment dur en cc. On craque chacun notre tour, ou tous en même temps. Ce soir, Oriana préfère se faire bouffer par les moustiques et va bouquiner dehors. Elle ne veut même pas se pschitter parce qu'elle baigne déjà dans sa sueur. Moi, les moustiques, c'est bon, j'ai donné. Une grosse dizaine de piqures rien qu'en sortant quelques minutes en arrivant ici. Mais sinon, le coin est super !
On va donc se coucher, mais peut-être que ce serait plus approprié de dire que l'on va se baigner dans notre lit...